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Le chiffonnier à sept tiroirs
17 août 2015

La Rivière et son secret, de Zhu Xiao-Mei.

Ce livre devrait intéresser tous ceux qui s'intéressent à la Chine communiste, à la musique et aux récits autobiographiques. 

Pékin, 1969. Zhu Xiao-Mei est un «être de mauvaise origine» ; autrement dit, elle appartient à une famille de bourgeois cultivés. Une tare d’autant plus lourde à porter à l’époque de la Révolution culturelle chinoise que la jeune Xiao-Mei a un don précoce pour le piano et une passion pour la musique dite décadente – Shumann, Mozart, Bach. Afin d’éradiquer en elle tout désir autre que celui de mourir pour Mao, elle est envoyée en camp de rééducation par les autorités de la Chine communiste. Quelques années plus tard, Xiao-Mei n’a plus rien d’une bourgeoise cultivée, plus rien d’une pianiste, plus rien d’une artiste – plus rien d’un être humain, avoue-t-elle. Son unique livre : le Petit Livre rouge ; son unique souci : éviter une nouvelle séance d’autocritique ; son unique rêve : manger à sa faim. Le pouvoir communiste chinois a gagné. Mais un jour, Xiao-Mei trouve dans le camp un vieil accordéon. Elle caresse les touches, se risque à jouer un accord, quelques notes de musique s’élèvent… Par enchantement les années perdues s’effacent, les rêves reviennent, l’espoir renaît : Xiao-Mei se jure qu’elle rejouera du piano, envers et contre tout.

Tout au long de ces pages, on découvre, vécue de l'intérieur, la mise en place de la Révolution culturelle chinoise, mais aussi une musicienne à la personnalité exceptionnelle. Les pages qui décrit les ravages de la Révolution culturelle m'ont beaucoup marquée (les scènes d'exécutions sommaires au Conservatoire de musique sont terribles, de même que les séances d'autocritique et les camps de rééducation). La dictature mise en place par Mao et ses proches est à la fois terriblement répressive et bourrée de contradictions ; elle altère les consciences, intoxique les intelligences, corrompt les familles. 

Mais ce témoignage très vivant est aussi une leçon de vie lumineuse. Les pages sur la musique de Bach et sur la philosophie chinoise sont parmi les plus belles qu'il m'ait été donné de lire. De plus, l'auteur, qui est devenue une pianiste célèbre dans le monde entier, a une personnalité attachante, et beaucoup d'humour. Cette lecture constitue un complément intéressant au roman de Daï Sijie, Balzac et la Petite Tailleuse chinoise, autre témoignage sur cette période, mais cette fois masculin, où la littérature remplace la musique comme élément permettant aux êtres de garder espoir et humanité. Bref, une lecture coup de cœur que je recommande chaudement. 

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